mercredi 24 juin 2015

Les 5 sens en maternelle

École maternelle du Jardin de Ville à Grenoble, classes de Nathalie Bizon et Sylvie Cadoux (moyenne et grande section).
Naïla Boudiaf


Présentation générale 

Notre atelier avait pour thème les 5 sens. L’objectif principal de cet atelier était de pousser les enfants à prendre conscience des étapes de leur raisonnement durant la résolution de problème. Dans ce contexte les enfants avaient entre 5 et 6 ans, ils avaient déjà eu une introduction aux 5 sens l’année précédente, et font des expériences scientifiques régulièrement avec leurs institutrices. Le travail supplémentaire a été de leur faire prendre conscience de la démarche scientifique, c’est-à-dire les mettre face à un problème, leur faire poser des hypothèses qu’ils auront envie de tester pour savoir s’ils ont raison ou pas, puis concevoir l’expérience et interpréter les résultats. La pose du problème s’est faite en confrontant l’élève aux limites de ses sens pour avoir certaines informations sur son environnement afin qu’il découvre par lui même que, pour avoir une information particulière, il va avoir besoin d’un sens particulier. Le teste de l’hypothèse est simple : est-ce que l’utilisation du sens proposé permet de récupérer l’information recherchée ou pas ?

La séquence était composée de 6 séances (2 pour le goût, 1 pour l’odorat, 1 pour la vision et 2 pour le toucher). Chaque séance durait 20 minutes environ. La méthode utilisée était globalement la même pour toutes les séances, elle ne sera donc pas détaillée à chaque séance.



Séances 1 et 2

Objectifs :
·      introduction à la démarche scientifique (identification de quelques concepts initiaux sur la science, et prise de conscience sur les étapes de raisonnement dans la résolution de problème).
·      découverte de l’organe du goût.
·      Découverte des saveurs : salé, sucré, acide, amer ; acquisition du vocabulaire.

Déroulement de séance :
-       Nous avons commencé par poser la question suivante : « C’est quoi la science ? »
A cette question nous avons eu différentes réponses intéressantes, voici quelques exemples ci-dessous :
 
  •  Cette discussion a été l’occasion pour nous d’expliciter la démarche scientifique avec les élèves, c’est à dire :
1.     Nous nous posons une question (à partir d’une observation, ou d’un problème posé).
2.     Nous émettons des hypothèses sur les réponses possibles à cette question.
3.     Nous testons ces hypothèses au travers d’expériences scientifiques.
4.     Enfin,  nous analysons et discutons nos résultats pour vérifier nos hypothèses (en d’autres termes, savoir si nous avions raison ou pas !)

-       Ensuite, mise en application !  Nous avons disposé 3 gobelets identiques sur la table. Le 1er contenait de l’eau plate, le 2ème de l’eau pétillante aromatisée au  citron et le dernier de l’eau pétillante aromatisée à la menthe.

-       Nous avons demandé aux élèves si selon eux, les liquides contenus dans les gobelets étaient identiques ou différents. La réponse pressentie par la plupart des élèves était « différents ». En effet, il était facile de voir à l’œil que l’eau plate était différente des 2 autres, mais alors comment faire pour savoir si les 2 autres gobelets contenait la même boisson ou pas.  Les élèves se sont retrouvés face à la limite du sens de la vision et l’un deux a fini par dire « On ne peut pas savoir, il faut goûter ! ». L’élève a compris par lui même ce qu’il devait faire pour tester son hypothèse.

-       Nous avons donc testé l’hypothèse en faisant goûter les 3 boissons aux élèves. 

-       Enfin, nous avons fait une petite synthèse de la séance en posant les questions suivantes : (Qu’est ce qu’on vient de faire ? Pourquoi ? et qu’est ce qu’on a appris ?). 

Rq : Nous avions également travaillé sur la distinction entre bouche et langue pour le goût. Nous avions également insisté sur les règles de sécurité, c’est à dire qu’on ne devait pas systématiquement tout goûter, certaines choses pouvant êtres nocives pour notre santé.
-       A la séance 2, nous avons commencé par rappeler ce qui a été vu à la séance précédente, l’information principale retenue étant « la langue est l’organe du goût ».
-        Puis nous avons posé le même problème « Vous avez devant vous plusieurs gobelets, qu’y-a-t-il dedans ? ».
-       Ensuite, nous avons fait goûté  les différentes saveurs aux enfants qu’ils devaient identifier, comme représenté ci-dessous :



-       Nous laissions le temps aux enfants de chercher, faire le lien avec ce qu’ils connaissaient. Les moyens avaient moins de vocabulaire que les grands, ils s’exprimaient plus en terme de bon vs. pas bon, alors que les grands faisaient plus de liens avec leur connaissances existantes, par exemple, ça pique (pour acide ou eau gazeuse), c’est l’eau de mer (pour salé), ça sent comme papa le matin (pour café), c’est du miel (pour sucré), c’est de la vinaigrette (pour le vinaigre) etc.

-       Comme précédemment, la séance se termine toujours par une discussion de synthèse.


Séances 3

Objectif:
·      découverte de l’organe de l’odorat et identification des différentes senteurs
 Déroulement de séance :
-       Les séances commençaient de la même manière que pour les séances précédentes.
-       Ensuite, nous avons disposé des petits sacs devant les enfants. Ces sacs contenaient différents produits (savon, ail, fromage, lavande, parfum et café).

- Cet exercice étant plus difficile que pour le goût, les enfants ont eu besoin de plus de temps. La séance s’est terminée par une synthèse sur ce qu’ils avaient senti.


Séances 4

 
Objectifs:
·      découverte de l’organe de la vision et la nécessité de la lumière pour voir (notamment les couleurs).
·      Mise en évidence de l’illusion d’optique par le phénomène de persistance rétinienne.
 Déroulement de séance :
-       Les séances commençaient de la même manière que pour les séances précédentes, avec un rappel.
-       Ensuite, nous avons bandé les yeux des élèves avec des masques (ce qui marche moyennement bien avec les petits !), nous avons mis un ballon au milieu de la table et avons demandé aux enfants d’identifier l’objet. Tous les élèves ont reconnu le ballon.
-       Suite à ça la question était « quelle est la couleur du ballon ? ». Là, les élèves ont vite compris qu’ils avaient besoin de voir pour avoir cette information.
-       Enfin, nous avons fabriqué des thaumatropes à élastiques (le poisson dans le bocal, ou l’oiseau qui s’envole de la cage).

-       A la fin de la séance, on a discuté du fait qu’on pouvait voir le poisson dans le bocal alors qu’il n’y était pas en réalité, en utilisant des termes simples, par exemple en disant que l’œil est comme un appareil photo qui se souvient du bocal et qui va mettre par dessus la photo du poisson.
Rq : Cette activité a été très appréciée par les élèves, ils se sont montrés très créatifs pour faire tourner leurs thaumatropes le plus rapidement possible.




Séances 5 et 6

Objectif:
·      découverte de l’organe du toucher qui est la peau (et non les mains).
·      Mise en évidence des types d’informations que l’on peut recueillir avec ce sens (forme des objets, textures, et température).
·      Acquisition du vocabulaire : doux, rugueux, lisse, piquant, dur, mou, collant.
 Déroulement de séance :
-       Nous avons commencé par un jeu d’identification de formes et de  textures. Les enfants avaient un sac contenant différents objets.


-       Un élève saisit un objet, le décrit, essaye de deviner ce que c’est, le sort du sac, et les autres élèves doivent retrouver le même objet dans leur sac, sans regarder évidemment.
-       A la séance 6, nous avons travaillé sur le toucher et la température. Les enfants touchaient des bouteilles d’eau identiques qui étaient soit froide soit chaude pour distinguer la température des deux.
-       Ensuite, ils touchaient un carreau de faïence (froid), avec l’avant bras couvert pour qu’ils constatent qu’ils ne sentent rien. En découvrant l’avant bras ils constatent que c’est froid. Les enfants découvrent alors qu’ils utilisent leur peau (qui recouvre tout leur corps) pour apprécier la température.


  •  Nous avons clôturé cette  séquence par une synthèse sur la nécessité des 5 sens pour connaître le monde qui nous entoure, et les différents organes qui sous-tendent chaque sens, et bien sûr un rappel de l’utilité des expériences scientifiques 



Points forts de cette aventure 

Lors de cette expérience, j’ai pu voir tout le bénéfice que l’on pouvait tirer de la collaboration entre enseignants et scientifiques dans la mise en place de petits ateliers d’apprentissage pour les enfants. J’ai réalisé que j’étais trop dans ma démarche scientifique, à vouloir concevoir des expériences sans avoir suffisamment de recul sur le comportement des enfants, alors que les enseignantes anticipaient parfaitement les réactions de leurs élèves (leurs capacités attentionnelles, leurs motivations etc.).
J’ai pu voir que mêmes tout petits, les enfants réfléchissent énormément et se posent des questions continuellement. Je cite Guillaume-Antoine, élève de moyenne section qui vient me voir en fin de séance et me dit: « je veux continuer à discuter avec toi, pourquoi on a goûté l’eau? »… Ceci est une belle preuve que même si nous avons l’impression que les plus petits ont la tête dans les nuages, en réalité ils sont tout de même attentifs à ce qui se passe autour d’eux et ils essayent de comprendre !
Ou encore Baptiste, élève de grande section, qui me dit « Ah ouiii, avec Nathalie on a fait une expérience pour comprendre comment poussent les graines! », faisant référence à une expérience faite en classe avec leur institutrice quelques semaines avant mon arrivée. Ceci montre que Baptiste a de lui même compris qu’il était dans une démarche scientifique, quand leur institutrice leur faisait faire des expériences sur les conditions de germination des graines.
Dernière citation, parce qu’il y en a beaucoup, celle de Paloma, élève de grande section, qui me dit à la fin de l’expérience sur le goût: « la science sert à savoir qu’est ce qui est bon pour la santé et qu’est ce qui est mauvais. », alors que nous n’avions pas abordé cette question pendant la séance…Peut être devrions-nous accorder plus d’importance aux représentations initiales que les enfants ont sur certains concepts afin d’optimiser leur apprentissage.
Enfin, une dernière observation que j’ai trouvé intéressante : le travail de groupe a eu des effets positifs sur la mémorisation des informations. Au début de chaque séance, nous demandions aux enfants s’ils se souvenaient de ce qu’on avait fait la fois précédente et ils s’en souvenaient, même après les vacances de Noël ! Ils évoquaient beaucoup de souvenir avec leurs camarades, par exemple les blagues qu’ils se sont faites entre eux pendant les séances.




dimanche 21 juin 2015

Atelier « Ombre et Lumière »



Ecole primaire Ampère à Grenoble, classes de Cécile Blanc et Séverine Pastorel (CE2)

Claire Hamelin et Guillaume Lang



Étant tous deux physiciens, nous avons choisi pour cet atelier ASTEP d’aborder le thème « Ombre et Lumière ». Ce choix a été motivé par notre expérience d’enseignants en optique à l’UJF dans le cadre de nos missions d’enseignement, l’adéquation avec le programme scientifique de CE2 qui aborde la notion d’ombre, et le fait que 2015 est l’année internationale de la lumière.

Nous sommes intervenus pendant six séances d’une heure chacune dans les deux classes, à raison de deux séances par semaine. Ces séances comprennent une séquence sur l’ombre dans le cadre du programme, une séance d’ouverture, plus courte, sur la lumière, et une séance d’évaluation des connaissances.

Les objectifs pédagogiques au terme de la séquence sur l’ombre étaient les suivants :
  •  Savoir formuler clairement des hypothèses avec un vocabulaire adapté
  • Apprendre à élaborer et mettre en œuvre un protocole expérimental pour tester les hypothèses
  • Décrire les observations de façon factuelle et les interpréter
  • Argumenter pour défendre ou invalider une théorie
Les principales connaissances à acquérir étaient :
  • Notions d’ombre propre et d’ombre portée, ainsi que leurs principales caractéristiques, objets opaques vs transparents
  • Être capable de représenter le cône d’ombre sur un schéma
  • Notions de base d’astronomie, système Soleil-Terre-Lune, alternance jour/nuit et notion d’éclipse
Dans la pratique, la séquence sur l’ombre s’est déroulée de la manière suivante (les plans de séances sont disponibles à la page précédente):

-          Séance 1 : introduction/découverte


Après nous être présentés à la classe, nous avons proposé aux élèves un petit jeu/exercice, qui avait pour consigne : « Dessinez votre ombre de façon réaliste. » 

Nous avons sélectionné cinq dessins qui présentaient de fortes différences et les avons accrochés au tableau. 


Dans une phase suivante nous avons demandé à quelques volontaires de décrire un dessin de leur choix, et de le comparer avec un autre qui présentait soit une similitude, soit une différence avec ce dernier. Consigne supplémentaire : dire si cette caractéristique paraît réaliste ou non, puis nous demandions à d’autres de donner leur opinion sur ce point. Exemple : l’ombre touche-t-elle le personnage ou non, a-t-elle des détails (yeux…) ou non, est-elle colorée…

A l’issue de cette phase, nous avons fait coller aux élèves leur dessin dans leur cahier, puis nous leur avons demandé, sur la base de ce qui avait été dit, de proposer une question à se poser pour caractériser l’ombre. Exemple : « Une ombre peut-elle avoir des détails ? »
Ils ont eu pour consigne, pour la fois suivante, d’émettre une hypothèse sur la réponse à la question, et d’élaborer un protocole expérimental pour la tester (fait avec les maîtresses en notre absence).

-          Séance 2 :

Cette séance était la première à caractère expérimental. Les élèves, réunis dans une salle dans laquelle nous avons fait régner la pénombre, étaient répartis en groupes pour réaliser leurs expériences. Nous avons mis à leur disposition du matériel : lampes de poche, Playmobils, divers petits objets, une boîte…

Pendant la phase d’expérimentation, nous sommes passés voir chaque groupe pour discuter un peu et les guider au besoin. A l’issue de la phase d’expérimentation, chaque groupe a fait une brève présentation de son expérience et de l’interprétation devant le reste de la classe, chacun avait le droit de dire s’il était convaincu ou non, et dans le cas contraire, de proposer une autre expérience pour mettre en défaut les conclusions tirées de la première.


Après quoi, nous sommes retournés en classe pour prendre des notes et conserver une trace écrite dans le cahier de sciences. C’a été l’occasion d’introduire du vocabulaire et, pour la première fois, de tracer un schéma explicatif du phénomène de l’ombre. La lumière, si elle est interceptée par un obstacle, ne peut pas éclairer la zone qu’il cache : c’est l’ombre.

-          Séance 3 :

Nouvelle séance d’expérimentation, cette fois sur le thème de l’astronomie. Avec un globe terrestre et un projecteur qui représentait le Soleil, nous avons conduit les élèves à élaborer le raisonnement suivant : l’alternance jour/nuit est due à la rotation de la Terre autour de son axe, il fait nuit lorsqu’on se trouve dans l’ombre propre de la Terre. Puis, par groupes, nous les avons laissé jouer avec une lampe de poche et deux boules en polystyrène de différentes tailles, représentant à eux trois le système Soleil-Terre-Lune. La Terre tourne autour du Soleil et la Lune tourne autour de la Terre.

 Lors de ce mouvement, il peut arriver que la lune s’intercale entre le Soleil et la Terre. L’ombre projetée de la Lune sur la Terre correspond au phénomène de l’éclipse lunaire.

 De retour en classe, nous avons dessiné des schémas et expliqué brièvement les saisons, ainsi que les notions de solstice et d’équinoxe.

-          Séance 4 :

Consacrée à des exercices, de mise en contexte du vocabulaire et de dessins d’ombres, à la fin de la séance nous avons passé un quart d’heure à répondre à des questions sur l’ombre et la lumière, et plus généralement la physique, posées par les élèves.


-          Séance 5 :

Séance d’ouverture consacrée à la lumière. Le programme était légèrement différent dans les deux classes.  Dans la partie commune, nous avons démontré le principe de la propagation de la lumière en ligne droite. Un laser et de la poussière de craie qui matérialise le faisceau ont beaucoup intéressé les élèves. Puis nous leur avons montré le phénomène de diffraction : lorsqu’un petit obstacle (ici un cheveu) est mis sur le trajet de la lumière, son ombre n’a pas la forme à laquelle on s’attendrait naïvement. Avec deux lasers différents, nous avons montré que les différentes couleurs sont affectées différemment par ce phénomène. Puis nous avons montré un réseau optique aux élèves, et expliqué le fonctionnement. Des traits très fins provoquent la diffraction et séparent la lumière blanche en lumières colorées. Exemples de dispersion de la lumière dans la vie quotidienne : l’arc en ciel, les tâches colorées dans l’huile de vidange, les CD (nous leur avons montré), les ailes de certains papillons…

Puis dans une des classes nous avons fait un petit complément d’astronomie, tandis que dans l’autre, nous avons fait une expérience : chaque élève a fabriqué un petit disque coloré, qui quand on le fait tourner rapidement sur la pointe d’un crayon (tenu avec de la pâte à fix) donne l’illusion d’être blanc en raison de la persistance rétinienne (lien avec les dessins animés).

-          Séance 6 :

Évaluation des connaissances, préparée conjointement avec les maîtresses.

-          Séance 7 (bonus) :

Invitation au spectacle d’ombres chinoises organisé par Cécile Blanc et ses élèves.

Conclusion :
Travailler avec des enfants est une réelle opportunité, pour eux d’avoir un interlocuteur différent de la maîtresse/le maître qu’ils voient toute l’année, et qui est spécialiste en sciences, ce qui apporte un plus en terme de rigueur dans la démarche scientifique. Le dialogue a été très constructif et l’occasion de se rendre compte des écarts énormes de niveau au sein de la classe (entre ceux qui ont des notions d’astronomie et ceux qui ne savaient pas ce qu’était une ombre). Il est très facile de réinvestir des expériences proposées aux élèves de licence et d’en adapter l’explication à des élèves de primaire, ce qui force à être très clair et à aller droit à l’essentiel. Le fort accent mis sur l’expérience et la formulation d’hypothèses ainsi que le débat est une façon efficace d’initier à la méthode scientifique et à la rigueur dans le raisonnement.